18 Déc L’échec dans le desir d’enfant : comment y faire face ?
Par Déborah Schouhmann-Antonio
Psychothérapeute à Paris, Spécialiste de l’infertilité et de la maternité.
@deborah_schouhmann_antonio
D ans un parcours de procréation, qu’il soit naturel ou médicalement assisté, l’échec est une réalité à laquelle beaucoup sont confrontés. Savoir qu’il fait partie du chemin est une chose, mais y faire face en est une autre.
Dans cet article, je vous propose d’explorer ce sentiment d’échec qui peut peser sur le désir d’enfant. Comment le comprendre ? Comment le vivre sans se laisser submerger ?
Définir l’échec
Vous qui êtes en PMA savez combien le parcours vers l’enfant peut être long et complexe. Pourtant, on parle souvent des échecs uniquement lorsqu’un couple entre dans le parcours médicalisé. Mais l’échec, en réalité, peut commencer bien avant, dès les essais naturels : lorsque l’arrivée des règles, en quelques secondes et quelques gouttes de sang, fait s’effondrer un rêve.
Ce premier échec, souvent perçu comme anodin pour beaucoup, marque en fait la dualité fondamentale de ce parcours : être enceinte ou ne pas l’être. Il n’y a pas mille solutions, seulement deux options, comme les deux faces d’une pièce. Et ce n’est pas tant l’échec isolé qui est le plus dur, mais leur cumul cycle après cycle, qui pèse de plus en plus lourd.
À mesure que le temps passe, chaque cycle nous éloigne de la légèreté et de la simplicité de faire un enfant sous la couette. Il ouvre la porte à un flot de questions et de doutes, aussi bien sur soi et sur l’autre. Ce qui paraissait évident devient complexe, incertain.
Lorsque le couple entre en PMA, un nouvel acteur entre en scène : l’équipe médicale.
Ce changement est fondamental, car il offre un nouvel espoir : celui que la médecine puisse simplifier le processus et pallier les dysfonctionnements. Malheureusement, même avec cet allié, l’échec reste un paramètre omniprésent. Souvent, les couples le minimisent, voire l’ignorent.
Contrairement aux essais naturels, où l’échec se manifeste seulement avec l’arrivée des règles, en PMA, il peut survenir à chaque étape de la prise en charge. Si le résultat négatif à la prise de sang est celui qu’on redoute le plus, il n’est que la partie visible d’une série de possibles :
- Un corps qui ne répond pas bien aux traitements hormonaux (trop ou trop peu), ce qui peut donner lieu à un arrêt de traitement.
- Une ponction annulée si le nombre de follicules est insuffisant.
- Une « ponction blanche », lorsque les ovocytes prélevés sont immatures, donc inutilisables.
- Une fécondation qui échoue, ou des embryons non viables.
Ces étapes, rarement détaillées aux patients, ajoutent à la charge émotionnelle du parcours.
Trouver le coupable
Ces échecs suscitent inévitablement des émotions fortes, comme la colère, l’incompréhension, la culpabilité, voire l’apathie. Accueillir ces émotions est crucial, car elles reflètent notre état intérieur. Elles nous aident à comprendre où nous en sommes et sur quoi nous pouvons agir.
Naturellement, nous allons rechercher un coupable. L’être humain a besoin de comprendre rationnellement pour apaiser le sentiment d’échec.
La colère peut d’abord se diriger vers les équipes médicales. Sont-elles à la hauteur ? Ont-elles fait tout ce qui était possible ?
Il est sain de se questionner, mais elles méritent d’être posées avec recul. Pouvaient-elles faire plus ? Faire mieux compte tenu de votre situation ? Un second avis peut parfois rassurer ou apporter un éclairage différent sur la situation.
Il est également important d’explorer sa propre culpabilité. Est-elle justifiée ? Suis-je responsable de certaines pathologies qui me touchent ? Modifier certains aspects de notre mode de vie — alimentation, tabac, gestion du stress — peut être bénéfique, mais sans tomber dans une spirale punitive. Réduire, par exemple, sa consommation d’alcool est utile, mais bannir tout plaisir social, ou moment léger et agréable, peut être contre-productif. Encore une fois, ne tombons pas dans des excès ou ne devenons pas nos propres bourreaux pour donner lieu à des frustrations qui nourrissent la colère. S’améliorer, c’est aussi adapter son quotidien : réduire une charge de travail trop stressante sans pour autant cesser toute activité.
Enfin, accueillir ses émotions, c’est aussi accepter le temps du deuil. Ce temps est essentiel pour digérer, pour pleurer, puis envisager la suite et passer à une autre étape.
Le cumul d’échecs est douloureux, mais il est vécu différemment selon notre âge, l’avancée dans les tentatives et les options encore envisageables.
L’échec dans le couple : un ressenti à deux vitesses
Un autre paramètre à prendre en compte dans les échecs, c’est leur impact dans le couple. Chaque membre du couple peut les vivre différemment, avec des intensités et des délais variés. Respecter le rythme de chacun est donc essentiel. Le dialogue, ouvert et bienveillant, aide à mieux comprendre où en est l’autre et à respecter son tempo.
Si l’un semble moins affecté, il ne faut ni le blâmer ni s’en éloigner. Parfois, les émotions se vivent à rebours, voire en décalage de l’évènement. Parler librement permet de maintenir le lien et de préserver ce binôme si précieux.
En résumé...
L’envie d’enchaîner les traitements sans pause est forte, mais prendre le temps de souffler ne fait pas fondre la réserve ovocytaire comme neige au soleil en quelques semaines. Ce temps de respiration est souvent nécessaire pour réfléchir, ajuster sa stratégie, et avancer avec plus de sérénité.
Enfin, pouvoir mettre des mots sur ses émotions, aussi bien positives que négatives, est essentiel : dire sa tristesse, sa déception, sa colère…
La déception ou le rejet des traitements n’est qu’une phase. Ce n’est pas un renoncement, juste une étape. Vous n’êtes pas moins forts lorsque vous êtes triste ou que vous en avez assez. C’est une manière d’évacuer pour mieux rebondir pour la suite.
Être en PMA ne signifie pas être un warrior ! Vous avez le droit de pleurer, de tomber, de douter. Vous allez vivre des émotions intenses, mais chaque étape doit vous apprendre des choses sur vous-même et sur vos choix. Prenez le temps qu’il faut pour avancer, étape par étape.