30 Oct PMA & travail : vos droits, vos absences, votre salaire – ce que dit la loi (2025)
Quand on est en parcours d’AMP, la vie professionnelle ne s’arrête pas.
Ponctions, échographies, transferts, rendez-vous médicaux… tout cela s’insère dans des semaines de travail souvent déjà bien chargées.
L’objectif de cet article ? rendre tout cela compréhensible. Avec Maître Morgane Delannoy, avocate indépendante au barreau de Lille, on vous explique, textes à l’appui, ce que la loi prévoit, comment ça s’applique selon votre statut et ce qu’il faut savoir pour faire valoir vos droits — sans crainte ni malentendu.
Puis, au-delà des textes, il s’agit aussi d’un climat de confiance mutuelle entre employé et employeur !
LE CADRE LEGAL EN DEUX MINUTES CHRONO
L’AMP (Assistance médicale à la procréation) est définie par l’article L2141-1 du Code de la santé publique :
« Les pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, la conservation des embryons et des gamètes, les techniques d’insémination artificielle, la fécondation in vitro, ainsi que l’ensemble des soins nécessaires au protocole médical. »
Autrement dit : les droits s’appliquent dès le tout premier rendez-vous médical jusqu’au transfert embryonnaire inclus.
Ce que prévoient les droits :
- Autorisation d’absence pour la personne qui suit un protocole d’AMP, pour les actes médicaux nécessaires au parcours.
Source : Code du travail, art. L1225-16 - Autorisation d’absence pour l’accompagnant (conjoint, partenaire de PACS, concubin) : 3 actes maximum par protocole.
Source : Code du travail, art. L1225-16 & Loi du 30 juin 2025 (entrée en vigueur le 2 juillet 2025) - Aucune diminution de rémunération et assimilation à du travail effectif pour les congés payés et l’ancienneté.
Source : Code du travail, art. L1225-16 - Fonction publique : les agents bénéficient d’autorisations spéciales d’absence liées à la parentalité ; ce cadre s’applique notamment aux autorisations prévues à l’AMP. L1225-16 du Code du travail.
Source : Code général de la fonction publique, art. L622-1 — Doctrine ; loi n° 2025-595 du 30 juin 2025. - Non-discrimination : protection contre la discrimination couvre notamment l’état de santé et le projet parental.
En cas de litige (mise à l’écart, retrait de responsabilités, modification de poste, licenciement pour « trouble » après un arrêt prolongé), la charge de la preuve pèse sur l’employeur ; le salarié apporte un faisceau d’indices. En cas de doute, cela profite au salarié.
Source : Code du travail, art. L1132-1 et s.
Références : art. L1132-1 et s. ; art. L1225-3-1 (protection étendue pour l’AMP).
Qui est concerné ?
- La personne engagée dans un protocole d’AMP.
- Son ou sa partenaire (marié·e, pacsé·e ou en concubinage).
- Dans le privé comme dans le public, quel que soit le contrat (CDI, CDD, intérim, saisonnier).
Quels actes sont couverts ?
Tous les actes médicaux nécessaires : examens, consultations, échographies, stimulations, ponctions, transferts.
En résumé : les salariées en parcours d’AMP ont droit à des absences rémunérées pour tous les actes médicaux, dans la limite de trois pour le conjoint, sans perte de salaire ni risque de discrimination.
UNE AFFAIRE D’EQUIPE : EMPLOYE, EMPLOYEUR ET MEDECINS
Le cadre légal est clair, mais la réalité repose sur la communication. La loi protège, mais la bienveillance fait la différence.
Du côté du salarié : anticiper, prévenir, dialoguer.
Du côté de l’employeur : comprendre, s’adapter, respecter le secret médical.
Et entre les deux, les médecins (traitant, gynécologue ou médecin du travail) peuvent jouer un rôle de médiation précieuse.
L’employeur n’a pas à connaître les détails médicaux, mais il doit savoir qu’il s’agit d’un acte d’AMP pour ouvrir le droit à une absence justifiée. En parler, c’est aussi réduire la charge mentale : celle du traitement, du secret, et de la peur d’être mal perçu. Et si ce parcours repose sur la science, il repose aussi sur l’humain : un peu de souplesse, un mot bienveillant, ou simplement un employeur qui comprend que « faire un bébé » n’est pas un caprice, mais parfois un combat.
On répond à vos questions !
Les bénéficiaires :
Est-on protégé par la loi dès le premier rendez-vous ?
Oui, dès le premier rendez-vous lié au protocole.
Est-ce que c’est valable pour le conjoint ?
Oui. Le partenaire salarié, marié, pacsé ou vivant en concubinage bénéficie d’autorisations d’absence pour trois actes médicaux par protocole. Peu importe qu’il soit salarié dans le privé ou agent de la fonction publique.
Même règle pour le privé et le public ?
Oui. L’article L622-1 du Code général de la fonction publique renvoie expressément à l’article L1225-16 du Code du travail. L622-1 CGFP (entrée en vigueur le 2 juillet 2025) est postérieur aux anciennes circulaires qui évoquaient un refus pour « nécessité de service ». Aujourd’hui, ces limitations ne sont plus applicables.
Et pour les statuts précaires ?
Aucun texte n’exclut les CDD, intérimaires ou saisonniers : les droits s’appliquent à tous.
Justificatifs & confidentialité :
Faut-il un justificatif ?
Oui. C’est ce document qui sécurise votre droit à l’absence et protège contre toute contestation.
Le motif “AMP” doit-il figurer ?
Le texte n’impose pas cette mention, mais il est préférable que le justificatif précise « acte médical nécessaire dans le cadre d’un protocole d’AMP ».
Mieux vaut fournir un document complet : cela évite les doutes et garantit votre protection.
En revanche, l’employeur n’a pas le droit de demander la nature exacte des soins ou d’exiger un détail médical : seule la mention d’un acte médical suffit.
Faut-il prévenir à l’avance ?
La loi ne fixe pas de délai de préavis, mais la prudence recommande d’avertir son employeur dès que possible. Un rendez-vous non signalé peut être considéré comme absence injustifiée s’il désorganise le service.
La transparence évite les tensions — et allège la charge mentale.
À qui transmettre le justificatif ?
À la personne habituelle pour les absences : souvent les RH, parfois le manager direct.
La loi ne fixe pas de destinataire unique.
Absences & organisation du temps de travail :
Le temps de trajet est-il compris ?
Oui, de manière logique : le temps nécessaire pour se rendre au rendez-vous fait partie de l’absence (y compris si le centre est loin).
Combien de temps couvre l’autorisation d’absence ?
La loi ne fixe pas de durée précise. L’absence est censée couvrir le temps raisonnablement nécessaire à l’acte médical et au trajet aller-retour. Cela inclut donc un éventuel retard du médecin, mais, évidemment faire un détour sans lien avec le soin (par exemple pour des courses) sort du cadre légal et peut être considéré comme un abus.
L’employeur n’a pas le droit d’exiger les horaires exacts du rendez-vous, car cela relèverait du secret médical, mais il peut attendre que l’absence reste cohérente avec le temps du soin.
Le bon réflexe : prévenir en amont de la plage horaire prévue et remettre le justificatif dès le retour. La confiance et la transparence restent la meilleure façon d’éviter tout malentendu.
Nombre d’absences limité ?
Pour la personne suivie, la loi ne fixe aucune limite légale : toutes les absences nécessaires au protocole sont justifiées.
Pour le conjoint : trois actes médicaux par protocole (c’est-à-dire par tentative).
Faut-il rattraper les heures ?
Non, ces absences sont assimilées à du temps de travail effectif.
Télétravail ou aménagement possible ?
C’est possible, à demander via le médecin du travail, qui peut recommander des adaptations : horaires, charge, ergonomie.
Le médecin du travail peut recommander des aménagements, ou les imposer s’il estime qu’ils sont indispensables à votre santé. Rappelons que le médecin du travail est tenu au secret professionnel : il ne peut pas communiquer à l’employeur le motif exact de ses préconisations.
Arrêt de travail spécifique AMP ?
Si c’est trop dur, vous pouvez vous faire arrêter par votre médecin traitant, le gynécologue ou un psychiatre. En revanche, la loi ne crée pas de catégorie d’arrêt « AMP ».
Rémunération & protection sociale :
Suis-je payée pendant mes absences ?
Oui, elles sont assimilées à du temps de travail effectif : pas de perte de salaire.
L’indemnisation peut être versée directement par la Sécurité sociale, ou par l’employeur si l’entreprise avance les indemnités à sa place (on appelle cela la subrogation).
Qu’est-ce que le maintien de salaire ?
C’est le versement du salaire intégral pendant un arrêt, assuré par l’employeur ou la prévoyance selon la convention collective.
Vérifiez la vôtre : elle peut prévoir des délais, des compléments ou des conditions spécifiques.
Les arrêts AMP sont-ils soumis au délai de carence ?
Oui, sauf si votre convention collective supprime ou réduit ce délai selon votre ancienneté.
Vous pouvez consulter cette convention :
- auprès de votre employeur,
- sur votre bulletin de salaire (code IDCC),
- ou sur Légifrance.
Que se passe t-il pour l’hospitalisation pour la ponction ?
Concrètement, il s’agit souvent d’une hospitalisation de jour : vous entrez le matin, sortez l’après-midi, et pouvez être arrêtée un jour (parfois deux jours selon la fatigue ou les douleurs post-ponction). L’hôpital délivre un bulletin de situation, assimilé à un arrêt de travail à transmettre à la Sécurité sociale et votre employeur.
Certaines entreprises acceptent de considérer le bulletin d’hospitalisation comme un simple justificatif d’absence, sans le traiter comme un arrêt maladie. Mais c’est rare. Dans la plupart des cas, il est assimilé à un arrêt de travail : si un délai de carence s’applique, il le sera, et les jours concernés ne seront donc pas rémunérés.
Et si je suis entrepreneur ?
Aucune prise en charge spécifique n’existe.
Les frais médicaux peuvent être remboursés, mais en matière de rémunération, seule une assurance prévoyance personnelle peut offrir une couverture, selon les conditions du contrat et le délai de carence.
Que se passe t-il en cas de difficultés ou de conflits ?
Que faire si mon employeur refuse d’appliquer la loi ?
En cas de difficulté, il est recommandé d’en parler d’abord en interne — lors d’un entretien formel avec l’employeur, les RH ou le CSE. Si la situation persiste, on peut contacter l’inspection du travail pour obtenir un avis ou des conseils, puis, en cas de discrimination, saisir le Défenseur des droits. En dernier recours, une action peut être engagée devant le Conseil de prud’hommes. C’est rare, mais ça arrive. Et si vous en êtes là, rappelez-vous que demander à être respectée dans son parcours n’a rien d’exagéré : c’est un droit, pas une faveur.
Bon à savoir : Si vous pensez être victime d’une discrimination liée à votre parcours d’AMP (exclusion, remarques, perte de responsabilité…), notez les faits, dates et témoins. Ce faisceau d’indices pourra être utile au Défenseur des droits ou aux prud’hommes.
Quels recours juridiques ?
Un avocat peut adresser un courrier amiable rappelant les obligations légales.
Si vous avez une protection juridique (assurance, carte bancaire), elle peut prendre en charge une partie des frais.
À défaut, vous pouvez solliciter l’aide juridictionnelle selon vos ressources.
Combien ça coûte ?
Environ 200 € HT pour une première consultation, jusqu’à 2000 € pour une procédure complète. Certains avocats pratiquent un honoraire de résultat (pourcentage sur les sommes obtenues).
La loi est là pour protéger, mais au quotidien, tout repose sur le dialogue, la compréhension mutuelle et la solidarité. Le travail ne devrait jamais être un frein à votre parcours médical. Vous avez le droit d’être protégée, d’en parler, de ne pas culpabiliser.
Et même si ce n’est pas facile, parler, c’est déjà alléger le poids du secret. Entre deux traitements, deux rendez-vous, deux coups de stress, on oublie souvent que le travail devrait rester un lieu où l’on peut respirer.
Consultez nos autres articles sur la santé au travail (dossier grand format sur le numéro 5 de Paillettes magazine) !
RESSOURCES UTILES : Code du travail – Article L1225-16 Code général de la fonction publique – Article L622-1 Code de la santé publique – Article L2141-1 Défenseur des droits : defenseurdesdroits.fr Inspection du travail : via service-public.fr Associations : Collectif BAMP Juristes en droit du travail
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