Santé des Femmes : Briser les Tabous et Réduire les Inégalités pour une Prise en Charge Inclusive

Santé des Femmes : Briser les tabous pour avancer !

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Tribune co-écrite par Prisca Thévenot, Députée des Hauts-de-Seine,

et Déborah Schouhmann-Antonio

Psychothérapeute à Paris, Spécialiste de l’infertilité et de la maternité.

Les femmes vivent plus longtemps mais leur santé continue d’être marquée par des inégalités, des retards de diagnostic et des préjugés tenaces. Ce paradoxe soulève une question essentielle : quels sont les freins qui empêchent les femmes d’accéder à des soins adaptés et de bénéficier d’un suivi de santé à la hauteur de leurs besoins ?

Un constat alarmant : des femmes négligées par défaut

Ce constat alarmant ne résulte pas uniquement des lacunes du système de santé. Il reflète aussi les facteurs sociaux, culturels et économiques qui influencent directement la manière dont les femmes perçoivent leur santé. Trop souvent, elles attendent d’être gravement malades avant de consulter, négligeant ainsi les soins préventifs. Une réalité qui n’est pas sans conséquence, tant pour leur bien-être que pour la qualité des soins qu’elles reçoivent.

Une santé entravée par la charge mentale : l’une des principales raisons de cette négligence réside dans la charge mentale. Dans de nombreux foyers, ce sont les femmes qui assument la responsabilité de l’organisation familiale, des rendez-vous médicaux des enfants ou la gestion des imprévus. Cette pression invisible, mais omniprésente, les conduit souvent à faire passer les besoins des autres avant les leurs.

Nombreuses sont celles qui s’inquiètent de la santé de leurs proches, souvent au détriment de leur propre suivi médical. Consulter un médecin ou adopter des actions préventives, comme la pratique régulière d’une activité physique ou la gestion du stress, deviennent alors secondaire. Cette dynamique crée un cercle vicieux : consultations tardives, diagnostics posés à des stades avancés et traitements plus lourds.

Mais, le manque de prise en charge précoce n’est pas le seul problème. Les pathologies spécifiques aux femmes, ou celles qui les affectent différemment des hommes, restent encore largement méconnues ou minimisées.

Des pathologies féminines trop souvent sous-diagnostiquées : l’exemple de l’infarctus du myocarde illustre bien cette réalité. La première cause de mortalité sont les maladies cardiovasculaire chez les femmes. Résultat : 80 % des femmes ne connaissent pas les symptômes spécifiques de l’infarctus féminin, et seules 42 % consultent un cardiologue en cas de problème cardiaque. 

Les femmes sont également plus nombreuses que les hommes à être touchées par la dépression et l’anxiété, et elles sont plus fréquemment hospitalisées pour des cas de dépressions sévères. Là encore, les stéréotypes ont un rôle dévastateur : les souffrances psychologiques des femmes sont souvent minimisées ou imputées à des « fragilités émotionnelles », retardant l’accès à des soins adaptés.

Des pathologies comme l’endométriose ou le syndrome des ovaires polykystiques souffrent également d’un retard majeur dans le diagnostic. Bien qu’invalidantes pour des millions de femmes, ces maladies mettent souvent plusieurs années avant d’être reconnues par le corps médical. En cause, des stéréotypes profondément ancrés dans la société : les douleurs féminines sont trop souvent jugées comme exagérées, voire banalisées.

Une prévention encore trop centrée sur la maternité : un autre problème majeur réside dans la manière dont les dépistages médicaux sont conçus. En France, de nombreuses pathologies féminines ne sont identifiées qu’à travers le prisme de la maternité. Lorsqu’une femme exprime un désir d’enfant ou entame un parcours de procréation médicalement assistée (PMA), elle est alors soumise à un bilan de fertilité. C’est souvent à ce moment-là que des troubles, tels que l’endométriose ou d’autres maladies chroniques sont diagnostiqués.

Cette approche, bien qu’adaptée à la question de la fertilité, est largement insuffisante. La santé des femmes ne doit pas être réduite à leur capacité à procréer. Ces pathologies ont des conséquences bien plus larges, notamment sur la qualité de vie quotidienne, et méritent une prise en charge dès l’adolescence ou le début de l’âge adulte, indépendamment des projets de maternité.

Des avancées à saluer, mais un chemin encore long : ces constats ne doivent pas occulter les progrès significatifs de ces dernières années. Comme l’a souligné justement le président de la République : « Ce n’est pas un problème de femmes, c’est un problème de société. ». La stratégie nationale contre l’endométriose, lancée en 2022, a permis de structurer des filières de soins dans 15 régions, facilitant ainsi l’accès au diagnostic. De même, la généralisation de la vaccination contre le papillomavirus pour les filles et les garçons dès la classe de 5ᵉ est une avancée majeure pour la prévention des cancers liés à ce virus.

La sanctuarisation du droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution en 2024 constitue également un jalon historique dans la protection des droits des femmes. Le Parlement a su dépasser sur ce sujet les divisions partisanes pour inscrire ce droit dans la Constitution. Parallèlement, la gratuité des moyens de contraception pour les moins de 26 ans, ainsi que la mise en place d’un arrêt de travail sans délai de carence en cas de grossesse arrêtée, sont autant de mesures renforçant l’émancipation des femmes en matière de santé.

2025 : transformer les constats en actions concrètes

Malgré ces avancées, de nombreux défis sont à relever. L’infertilité, qui touche un couple sur quatre, reste un sujet tabou. Les parcours de PMA, souvent longs et éprouvants, nécessitent un accompagnement renforcé, tant sur le plan médical qu’émotionnel. Un effort de sensibilisation est également indispensable, notamment auprès des jeunes adultes, afin d’intégrer une consultation pré-conceptionnelle dans les parcours de prévention.

La parentalité et la natalité sont également des enjeux majeurs. Avec une baisse préoccupante des naissances en 2023, il devient urgent de repenser les politiques familiales. Le congé parental, par exemple, pourrait être remodelé pour le rendre plus attractif : une durée plus courte, mais une indemnisation bien plus élevée favoriserait une meilleure répartition des responsabilités entre les deux parents. Enfin, la situation des familles monoparentales appelle une attention particulière. Si le versement des pensions alimentaires peut être désormais assuré par la CAF, il reste à garantir une véritable implication du second parent, tant sur le plan financier qu’éducatif, dans l’intérêt des enfants.

Construire une santé des femmes plus juste et inclusive : l’année 2025 marquera la présentation de deux propositions de loi destinées à transformer ces constats en actions concrètes. L’une concernera la protection du projet parental dans le cadre professionnel, incluant la PMA et l’adoption, afin de lever les obstacles qui pèsent sur les femmes engagées dans ces parcours. L’autre visera à structurer une prise en charge globale de la santé des femmes, de la puberté à la ménopause, pour répondre à leurs besoins à chaque étape de leur vie.

Ces initiatives témoignent d’une volonté claire : briser les tabous, garantir un accès égalitaire aux soins et faire de la santé des femmes une priorité nationale. Parce qu’une société ne peut progresser sans prendre soin de toutes ses composantes. Il est temps d’agir pour que chaque femme puisse devenir actrice de sa santé et de son bien-être. Vos voix sont entendues et portées au plus haut niveau, pour que vos parcours soient simplifiés et mieux adaptés.