
Lorie Pester « Je souffre trop, j’ai envie que ces douleurs s’achèvent, avant qu’elles ne m’achèvent, moi… »
L orie, de son vrai nom Laure Pester, chanteuse, comédienne, mais aussi réalisatrice, vient de publier « Revivre », un récit intime tout en transparence. Un témoignage qui nous invite dans son quotidien fait de douleurs, de plus en plus fortes au fil des mois, qui l’empêchent de travailler, de marcher, sans compter les opportunités manquées.
Jusqu’au verdict : endométriose et adénomyose. Pour revivre, Lorie a dû faire un choix, celui de se faire retirer l’utérus pour stopper cette douleur invalidante. Traitements, parcours AMP, maternité, questionnement… Lorie se confie à Paillettes Magazine pour briser le tabou !
On vous a découvert une endométriose au moment d’une grossesse extra-utérine, comment avez-vous vécu cette annonce ?
L.P. C’était un mélange de stress, d’inquiétude et de soulagement. Je souffrais tellement depuis l’adolescence que je savais au fond de moi que quelque chose n’allait pas. J’ai tellement entendu « c’est normal d’avoir mal » que lorsqu’on m’a dit qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas, j’étais finalement rassurée et enfin comprise. D’un côté, c’était le soulagement et de l’autre c’était un flot de questions, car je n’en avais jamais entendu parler : « est-ce que ça veut dire que je suis malade ? Est-ce que ça soigne ? On en meurt ? Ça s’opère ? » Alors premier réflexe, on cherche sur internet (ce qui n’est pas forcément à faire) et dans les premières lignes, juste après « douleur », on lit « difficulté pour avoir des enfants », « infertilité »… Même si à cette époque je n’étais pas dans un désir de maternité absolu, je savais qu’un jour je serais maman.
Comment viviez-vous au quotidien avec l’endométriose que vous nommez « Endy » dans votre livre ?
L.P. Ça prend une place énorme, on vit avec au quotidien, c’est une vraie coloc’ ! « Endy » s’est invité dans mon corps et s’est dit « OK, je suis bien là, au chaud, je vais y rester ! » Sauf que ce colocataire prend beaucoup de place, il me dérange tous les jours parce que je ne peux pas bosser, parce que je ne peux pas avoir de vie intime, de moments tranquilles. J’ai eu des passages difficiles où, sur les tournages, je tombais dans les pommes tellement la douleur devenait insupportable. Il m’est arrivé de tituber de souffrance dans la rue, et quand les gens me reconnaissaient, j’espérais qu’on ne prenne pas de photo ou de vidéo…
Mes proches m’ont toujours beaucoup soutenue, mais je ne voulais pas que ça se sache publiquement, j’avais peur que le téléphone ne sonne plus et que les réalisateurs ne veuillent pas d’une fille qui tombe dans les pommes sur les plateaux de tournage ! C’était donc du stress en permanence : est-ce que je vais arriver à faire mon travail, est-ce que je vais arriver à chanter, est-ce que je ne vais pas faire de malaise ? Mes journées étaient rythmées, voire programmées autour d’« Endy » !
Vous avez dû avoir recours à l’AMP pour donner naissance à votre fille en 2020, comment avez-vous vécu ce parcours ?
L.P. Quand on est atteint d’endométriose, le seul traitement qu’on vous propose pour soulager les douleurs (mais qui ne soigne pas) est de stopper les règles puisque la maladie se propage par leur biais. Donc lorsque j’ai eu ce désir de grossesse, il a fallu arrêter ce traitement et les douleurs sont vite revenues. On nous a dit que nous n’avions qu’un petit laps de temps pour essayer de concevoir naturellement. Mais déjà quand on se met dans la tête de vouloir faire un enfant, bien souvent ça ne marche pas parce qu’on a la pression. Imaginez donc quand on a une toute petite fenêtre, la pression est encore plus forte.
Je m’étais donc préparée à un parcours PMA et je l’ai plutôt bien vécu. Je savais qu’il y avait des injections quotidiennes, des ponctions parce que j’avais déjà fait une préservation d’ovocytes 3 ans auparavant. Je me faisais donc mes injections toute seule, n’importe où, dans l’avion, dans le train, sur un tournage… Puis vient la première ponction où nous obtenons 5 embryons. Seulement à J5, il n’en restait plus que deux. Le 1er transfert n’a pas fonctionné, mais le second a été le bon et cette année, Nina va fêter ses 4 ans !
Vous avez réalisé des documentaires « Brisons le tabou ! » sur les règles et le post-partum et écrit deux livres sur l’endométriose. Pourquoi cet engagement autour de la santé de la femme ?
L.P. Je trouve que c’est important de parler de sujets qui touchent les femmes et même si aujourd’hui on le fait davantage, je crois qu’on peut aller encore plus loin. Lorsqu’on fait face à une maladie, tout de suite c’est inquiétant. Le fait de savoir que d’autres femmes sont passées par-là, qu’on n’est plus toute seule, qu’on s’en sort, qu’il y a des solutions, c’est hyper rassurant ! Le simple fait juste d’être bien informée et de partager, c’est énorme. Ça donne de l’espoir, ça donne à réfléchir différemment, c’est de l’entraide entre femmes.Avez-vous un message à faire passer aux lectrices de Paillettes ?
L.P. Si vous sentez qu’il y a quelque chose de « chelou » dans votre corps, que votre inconscient vous le dit, alors : écoutez-vous ! Allez voir des professionnels de santé, et si certains ne vous prennent pas au sérieux, ou si vous ne vous sentez pas écoutée, consultez-en un autre, jusqu’à trouver le médecin qui va déceler le problème. Ne faites pas confiance à la seule personne qui vous dira que tout est normal si vous sentez que ce n’est pas le cas !
Vous avez eu recours, et c’est ce qui fait l’objet de votre dernier livre « revivre » à une hystérectomie, quel a été votre cheminement ?
L.P. Si je n’avais pas eu ma fille, il est évident que je n’aurais pas eu recours à l’hystérectomie, je serai restée avec ma douleur. Prendre cette décision a été difficile, j’étais pleine de doutes, je faisais un pas en avant puis deux pas en arrière. J’en ai beaucoup parlé avec mon compagnon, mes parents, mes amies, mon médecin. Tout le monde me conseillait de faire cette opération. C’est compliqué, car la décision doit venir de soi. Il faut vraiment s’écouter !
La douleur devenait invivable et il fallait donc que je saute le pas. Viennent alors les questions autour de la féminité « Est-ce qu’on est toujours une femme quand on n’a plus d’utérus ? ».
Aujourd’hui, je peux le dire tout haut, je me sens encore plus femme après cette hystérectomie parce que je me sens mieux dans ma tête, mieux dans mon corps. Je peux même lever les bras pour me coiffer sans être essoufflée (rire). Ma féminité s’exprime avec plus de force. J’ai retrouvé de l’énergie. J’ai réappris à vivre normalement et je découvre la vie sans douleur qui résonne dans le dos et les jambes, sans boule de pétanque dans le ventre, sans nausées, sans malaise. Je peux porter ma fille, courir, danser… Bref, je revis, mais vraiment… je revis !!! •
© Crédit photo : ©IpanemaMusic / Lorie Pester
«Revivre »
Au départ, Lorie et son corps, ce sont plutôt des alliés.
Mais au fil des années, des douleurs s’installent, l’endométriose et l’adénomyose rythment son quotidien.
Des cellules de sa paroi utérine se développent de manière anarchique dans son organisme. Pour revivre, cette jeune femme presque comme les autres a dû prendre la décision de mettre fin à cette douleur invalidante, en choisissant de se faire retirer l’utérus.
Traitements, tentatives, questions… en un récit d’une transparence folle, d’une honnêteté sans limites, Lorie s’engage pour faire connaître ce mal qui touche 10 % des femmes.
En librairie
Éd. Robert Laffont – 18 €