
30 Oct Le Dpi-A peut-il améliorer mon taux d’implantation ?
Aneuploïdie
késako ?
L’aneuploïdie est caractérisée par une cellule qui ne possède pas le nombre normal de chromosomes.
Docteur, pourquoi ça n’a pas marché ? Pourquoi ma grossesse s’est arrêtée ? Est-ce que c’était l’embryon qui avait des défauts ou autre chose ? C’est précisément autour de ces questions et de l’évaluation de la qualité des embryons que la communauté scientifique internationale se divise depuis plus de 20 ans.
Il existe un examen, le Diagnostic Pré-Implantatoire pour les Aneuploïdies autrement nommé le DPI-A. Il permettrait de détecter les anomalies aléatoires du nombre de chromosomes dans les cellules de l’embryon. Il y a des partisans passionnés et des opposants virulents à cette technique.
En France, le gouvernement a dit non. « Une immense déception de la loi de bioéthique » pour le Pr François Vialard du département de génétique du CHI Poissy–Saint-Germain-en-Laye et président de l’association des cytogénéticiens de langue française.
Pour comprendre le débat et les promesses du DPI-A pour les patients, qui est déjà autorisé dans la plupart des pays européens, direction le Royaume-Uni. Le DPI-A y est pratiqué et suscite tout autant de controverses. Le Pr Darren Griffin, cytogénéticien à l’Université de Kent, expert international et auteur de plusieurs articles sur les avantages et les limites du DPI-A, revient sur le débat.
Mais c’est quoi, le DPI-A ?
Commençons peut-être par ce que le DPI-A ne peut pas faire ! Il ne peut pas améliorer la qualité des embryons ou augmenter les chances de succès en général. Le DPI-A fournit des informations sur la santé génétique d’un embryon afin d’aider à sélectionner l’embryon le plus approprié pour le transfert.
En pratique, dans les pays où c’est autorisé, au cinquième jour de développement, 5 à 10 cellules sont prélevées sur un embryon (qui en contient environ 100) pour être analysées. Les cellules prélevées par biopsie sont envoyées à un laboratoire d’analyse, qui utilise généralement la technologie de séquençage de l’ADN, pour identifier le nombre moyen de chromosomes présents dans l’échantillon.
Que disent les opposants, scientifiquement ?
« Le DPI-A est un test controversé, même au Royaume-Uni, où il est pourtant autorisé », relate le Pr Griffin. L’autorité britannique de régulation de la fertilité au Royaume-Uni a classé la technique comme un « complément » en attendant plus de preuves pour justifier son utilisation systématique pour tous les patients dans le cadre d’une FIV.
Les opposants soutiennent généralement que le DPI-A n’ est pas correctement validé avec des résultats faussés méthodologiquement et mettent en doute la motivation des cliniques à faire payer aux patients la « dernière » thérapie innovante.
Par ailleurs, il existe beaucoup d’embryons dits « mosaïques », c’est-à-dire composés à la fois de cellules normales et de cellules anormales, supposées être capables de se restaurer. Les études futures devraient fournir des informations détaillées sur la corrélation entre le résultat spécifique de la mosaïque et l’embryon.
Que sait-on aujourd’hui sur le DPI-A ?
« La nature de la controverse est multiple et, avec plus de 20 ans de débat, aucun des deux camps ne peut avoir complètement raison ou tort. Le DPI-A n’est pas un test parfait — aucun test ne l’est », explique-t-il.
Ce qu’on sait aujourd’hui, c’est qu’une centaine d’ études rétrospectives, c’est-à-dire des études qui se basent sur l’acquisition de données présentes dans les dossiers médicaux des patients, prouvent que le DPI-A est efficace et sûr en particulier chez les patients de plus de 35 ans.
Chez les patients de plus de 35 ans, les résultats démontrent un taux d’implantations et de naissances vivantes plus élevé et un taux de fausses couches réduit lorsqu’on transfère un embryon avec un nombre de chromosomes normal.
« Je pense que l’un des problèmes posés par le DPI-A est qu’il est souvent présenté comme une solution universelle », reprend le Pr Griffin, « chez une patiente âgée de moins de 30 ans, seuls 30 % des embryons testés ont un nombre de chromosomes anormal. Le temps d’obtention de la grossesse est donc plus court que pour une patiente de 45 ans qui aura environ 90 % d’embryons avec un nombre de chromosomes anormal. On ne proposera pas nécessairement le diagnostic à la patiente de moins de 30 ans en première intention, surtout s’il n’y a pas d’historique de fausse couche. »
Le Pr Vialard, en France, va d’ailleurs dans ce sens, « on ne va pas révolutionner quelque chose, on va diminuer le délai d’obtention de grossesse. Le DPI-A va répondre à des questions et en poser d’autres. »
Quel terrain d’entente à l’international et en France ?
Pour le Pr Griffin, tous les patients devraient être conseillés de manière non directive sur l’opportunité de réaliser un DPI-A. On comprend que les avantages potentiels ne sont pas pertinents pour chaque patient, mais si un embryon anormal sur le plan chromosomique est transféré, entraînant une grossesse qui se termine par une fausse couche, le temps perdu et le traumatisme associé questionnent.
« Pour résoudre le débat, des efforts combinés des médecins qui font les FIV, des embryologistes qui pratiquent la biopsie et des généticiens qui effectuent le génotypage seront nécessaires », selon le Pr Griffin.
En France, une étude randomisée conduite par le Pr Vialard devrait voir le jour avec la participation de plus de 20 centres et la promesse d’apporter une réponse sur les raisons pour lesquelles les cycles de FIV échouent encore et encore chez certaines patientes. Quant à la crainte de la manipulation génétique, avancée par certains, le Pr Vialard est rassurant « l’activité génétique est très encadrée en France par l’Agence de Biomédecine à qui l’on doit rendre des comptes. Il est d’ailleurs préférable d’identifier des anomalies sur un embryon de 250 microns, soit un millionième de mètre, avant un transfert plutôt qu’au stade de diagnostic prénatal, à 3 mois de grossesse comme c’est le cas aujourd’hui en France. » •