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Art-thérapie : Accéder à soi, se reconnecter à ses émotions…

Vous avez l’impression de ne pas trouver les mots pour exprimer ce que vous ressentez au fond de vous ? Ou au contraire, vous parlez beaucoup de vos émotions et de vos sentiments, mais vous avez l’impression de ne pas progresser dans votre cheminement ?

Dans ce cas, l’art thérapie peut vous aider à aller mieux et les possibilités sont variées : modelage en terre, peinture, théâtre, cirque, danse, chant, musique, vidéo, cinéma, écriture, etc. C’est le pari qu’a fait Déborah Zacot, psychologue et art-thérapeute dans l’équipe du centre de fertilité du Groupe Hospitalier Diaconesses à Paris. Elle nous raconte comment l’art accompagne les patients en parcours d’AMP. Pas de Picasso, de Mozart ou de Victor Hugo. Des femmes et des hommes qui laissent place à la créativité et l’imaginaire pour exprimer leur ressenti face à l’infertilité.

Art thérapie : Une pratique ancienne mais encore peu répandue

L’application de l’art à des fins thérapeutiques n’est pas un concept nouveau. La Grèce antique considérait déjà que les arts avaient un effet libérateur et thérapeutique. Pourtant, encore aujourd’hui, l’art-thérapie n’est pas encore très répandue dans la communauté scientifique. Elle a d’abord été introduite en Angleterre et aux États-Unis grâce à Margaret Naumburg, enseignante et psychothérapeute considérée comme l’une des pionnières dans le domaine. En France, il faut attendre les années 1950 pour que le premier département d’art psychopathologique ouvre sous l’impulsion de Robert Volmat à la Clinique des maladies mentales et de l’encéphale à Paris.

Se livrer autrement que par les mots

Le stress, les émotions qui se bousculent dans votre tête, la course du quotidien qui vous laisse finalement peu de temps à vous… Il n’est pas toujours facile d’exprimer avec des mots son ressenti dans un parcours d’AMP. Ce que propose l’art thérapie ici, c’est d’utiliser le processus créatif à des fins thérapeutiques. En clair, se servir de la création artistique (dessin, peinture, modelage, écriture, photographie, etc.) pour rencontrer vos problématiques inconscientes, vous aider à les exprimer et surtout à les transformer. Déborah Zacot explique que le but du processus n’est pas artistique, c’est le chemin que vous allez prendre qui est intéressant. Alors, relâchez la pression, pas d’exposition prévue !

 

D’ailleurs, l’art thérapie propose un espace d’accompagnement protégé du regard et du jugement, où on avance à son rythme, au fil d’un parcours créatif qui s’inscrit dans le temps. Il peut y avoir des détours, parfois une difficulté, ou un changement de projet, mais c’est tout le cheminement sous le regard de l’art- thérapeute qui importe.

Le geste créateur sollicite l’imagination, l’intuition, la pensée et les émotions et fait appel au corps qui se met en mouvement pour créer. Quand il y a une souffrance, les mouvements se mettent en arrêt. La créativité permet de remettre du mouvement en soi.

Créer un objet à partir du néant et avoir la main mise sur cet objet… ça vous parle ?

Choisir l’art thérapie

Il existe aujourd’hui peu d’études scientifiques sur les apports de l’art thérapie. Quelques publications reprennent néanmoins des bénéfices, notamment chez les patients atteints d’un cancer, chez qui l’art thérapie est de plus en plus proposée. Dans ces études, les résultats ont montré une diminution du niveau d’anxiété des patients avec une réduction du cortisol, un sentiment de bien-être ainsi que des effets positifs sur leur capacité à affronter la maladie ou sur leur interaction sociale. Les mêmes effets ont été observés chez les patients en stress post-traumatique.

Déborah Zacot explique également que l’art thérapie peut être également une alternative lorsque la psychothérapie dite « classique » fait peur, n’intéresse pas ou en complément de cette dernière.

En art thérapie, on trouve un langage ; son propre langage, et, le processus de transformation permet de passer au-delà du mécanisme de défense.

Il vaut mieux aussi choisir un art qu’on ne maitrise pas, pour ne pas être dans la performance.

Quand commencer ?

Comme pour les séances avec un psychologue, quand on se questionne c’est le bon moment ! L’art thérapie n’est pas forcément indiquée après un échec ou une réussite. Allez-y quand vous sentez que vous en avez envie !

Il n’y a d’ailleurs pas de contre-indication, sauf s’il vous est difficile de toucher des choses pour le modelage (si l’idée de terre est très répugnante par exemple).

Art thérapie émotion pma psychologue

Comment se déroule une séance type ?

Une séance d’art-thérapie se déroule individuellement ou en groupe, soit en institution médicale ou hospitalière, soit en atelier libéral. Une séance dure entre 1 h et 1 h 30, et a lieu généralement toutes les semaines.

Avant de commencer le travail de création, le thérapeute vous aidera à verbaliser le « pourquoi vous êtes là ? » et pourra fixer des objectifs. Dans tous les cas, il prendra le temps d’écouter vos attentes pour mieux vous guider.

Le rôle de l’art thérapeute est d’encourager le patient à poursuivre ou à développer une production qui semble porteur de sens (pour vous !).

L’art thérapeute est aussi artiste et il accompagne la faisabilité de la réalisation. Il vous aide à trouver des solutions quand vous ne parvenez pas à réaliser ce que vous souhaitez et apporte des techniques en étant attentif à vos cheminements.

 

Attention le thérapeute n’est pas là pour dire j’aime ou je n’aime pas, ni pour interpréter ce que vous produisez

 

Méfiez-vous s’il commence à vous dire que « rouge c’est le sang ; noir c’est la dépression ». Dans la mesure du possible, il vous aide à donner du sens à vos réalisations artistiques et à trouver des prolongements associant processus créatif et processus thérapeutique. Il s’agit de votre expérience à vous. Elle vous permet d’éprouver des émotions, d’évoquer des souvenirs, d’exprimer une sensibilité.

Côté tarif, il faudra compter entre 50 et 80 euros la séance selon la durée des séances, qui ne sont pas remboursées par la Sécurité sociale.

Quid de la formation des art thérapeutes ?

En France, le titre d’art thérapeute est inscrit au répertoire des certifications professionnelles.

En revanche, l’art thérapie n’est pas une pratique reconnue en France donc les formations sont très hétérogènes, plus ou moins encadrées. 

Cela étant dit, on ne s’improvise pas art thérapeute. L’art-thérapeute doit avoir une connaissance et une pratique artistique personnelle, en synergie avec ses compétences thérapeutiques. Il sait alors ce que l’art peut faire éprouver et donc peut accompagner ça, ce qui sera rassurant pour le patient.

Pour revenir à la formation, il existe des Diplôme Universitaires encadrés, des masters et des écoles spécialisées avec de vraies références. 

 

Vous pouvez consulter :

  • l’annuaire de la Ligue professionnelle d’art-thérapie, qui regroupe les art thérapeutes titulaires d’une certification officielle inscrite au RNCP (Registre des Certifications Professionnelles) 
  • l’annuaire du Syndicat français des art-thérapeute (SFAT), avec les thérapeutes qui ont fait l’objet d’une procédure d’accréditation, garantissant leur double qualité artistique et thérapeutique. 
  • le guide de l’AFRATAPEM, un regroupement d’art-thérapeutes professionnels diplômés et respectant le code de déontologie art-thérapeutique.

 

Il n’existe pas d’art thérapeute « spécialiste de la fertilité » ou de formation spécifique à ce sujet. L’essentiel est avant tout que vous vous sentiez à l’aise avec le thérapeute car il s’agit surtout de prendre du temps pour soi, de se détendre et de se faire plaisir !

Du modelage au centre de fertilité du Groupe Hospitalier Diaconesses

Déborah Zacot n’a pas eu de difficulté à convaincre les équipes médicales du centre de fertilité des Diaconnesses pour mettre en place un atelier d’art thérapie, 3 fois par mois, tant le bien-être du patient est central dans la prise en soins.

Il existe plusieurs médiums en art thérapie, et l’art thérapeute doit maîtriser son art pour accompagner les patients. La psychologue a choisi un art plastique très sensoriel, le modelage. En AMP, le corps est très éprouvé et le vécu du parcours peut parfois amener à un investissement dissocié du corps et l’esprit. La femme, notamment, se sent souvent comme désappropriée de son corps qui devient un objet médical. La symbolique de créer à nouveau quelque chose avec ce corps et le pouvoir de transformation sont donc très forts. Le modelage, permet de remettre de la sensation et de l’écoute de son propre corps.

Dans l’atelier, les patients expérimentent la terre les yeux fermés, et ensuite le processus de création prend place. Ils observent les traces de doigts dans la terre qui créent une forme. On se rend compte que des choses sont agréables un jour et pas la fois d’après. Pour Déborah Zacot, l’intérêt est de devenir plus sensible à ce qu’on ressent.
Puis les objets créés sont soit remis dans la terre, soit emportés.

Les ateliers sont une occasion de revenir au centre pour un accompagnement plus dans la douceur, un moment d’écoute hors du médical, un temps à soi qui fait du bien !