Paillettes Magazine avenir | vouloir un enfant | enfant

Faire un enfant dans ce monde… est-ce bien raisonnable ?

Paillettes Magazine avenir | vouloir un enfant | enfant

Par Déborah Schouhmann-Antonio

Psychothérapeute à Paris, Spécialiste de l’infertilité et de la maternité.

F aire un enfant dans ce monde, est-ce raisonnable ? Voilà une question qui revient de manière récurrente depuis quelques années… Le dérèglement climatique, les épidémies vécues ces dernières années, l’inflation et les guerres en Ukraine ou encore au Proche-Orient, viennent peser dans la balance. À cela s’ajoute une nouvelle vision des hommes et des femmes face à la parentalité ! Est-il bien utile et raisonnable de mettre au monde un enfant dans un environnement si violent, si peu empathique et avec un avenir incertain ? C’est de cela dont nous allons parler aujourd’hui.

Une natalité en berne

La natalité est en chute libre en France. Entre janvier et novembre 2023, le nombre de naissances a reculé de 6,8 % en France par rapport à la même période l’année précédente et pourrait ainsi atteindre un nouveau plus bas historique sur l’ensemble de l’année, selon des statistiques de l’Insee (janvier 2024). On compte ainsi 45 000 naissances de moins sur cette période par rapport à 2022, portant le nombre de naissances sur les onze premiers mois 2023 à 621 691. Ce mouvement est amorcé et s’accélère ces dernières années.

Pourquoi devenir parents ?

Faire un enfant, pour la plupart des gens, et de manière assez primaire, c’est la rencontre de deux désirs, la concrétisation du couple. Mais cela peut en réalité être lié à des raisons bien plus profondes ou inconscientes : pour réparer, pour compenser, pour être « comme tout le monde », pour répondre à une pression sociétale…

Mais faire un enfant, c’est d’un point de vue psychologique une vision « égoïste » qui nous permet de rester vivants même après notre mort. Une part de nous reste ici-bas et nos enfants portent notre souvenir.

Alors que cette question ne se posait quasiment pas auparavant, il semblait évident qu’une femme ou qu’un couple allait procréer, car c’était le cours des choses, une étape presque incontournable ; aujourd’hui, les nouveaux modes de vie, la science et les modifications normatives laissent une vraie place à cette question du désir d’enfant.

Car la question n’est pas juste de pouvoir faire un enfant, mais de le désirer !

Tellement de questions se bousculent en ce moment… Il est légitime de s’interroger sur le fait de « vouloir » ou « ne pas avoir » d’enfant dans ce monde, quand bien même on en ressent le désir.

Nous avons à cœur, en devenant parents, d’offrir le meilleur à nos enfants. Bien sûr, nous ne savons jamais de quoi l’avenir sera fait, mais certaines périodes semblent plus propices que d’autres pour mettre des enfants au monde.

Explorons les freins à ce désir d’enfant

De nombreux facteurs rentrent en ligne de compte dans le désir d’enfant.

Par exemple, les images récentes de ces bébés assassinés, de ces femmes enceintes éventrées en Israël, nous renvoient à notre désir d’être parents et surtout à notre responsabilité de parents. Elles viennent s’ajouter au défi climatique qui depuis de nombreuses années est déjà un frein à part entière.

S’ajoute à cela, l’inflation qui chahute le niveau de vie des Français ; tous ces éléments génèrent une forte incertitude dans l’avenir.

Nous sentons-nous capables d’élever nos enfants avec cette insouciance en moins ? Avons-nous envie de leur offrir cet avenir d’une planète qui meurt à petit feu et qui va les obliger à revoir entièrement leur manière de vivre ? Sachant que nous n’avons aucune idée de ce à quoi pourraient ressembler ces nouveaux modes de vie.

Voulons-nous livrer au monde un enfant à qui il faudra rapidement faire perdre son innocence pour le protéger des dangers humains ?

Des femmes avec une vision différente de la parentalité ! 

Enfin, n’oublions pas que 30% des femmes en âge de procréer déclaraient ne pas vouloir d’enfant en 2022 dans une étude menée par le magazine Elle et l’institut de sondage IFOP.

En effet, toutes les raisons évoquées précédemment été citées. Mais un autre point était mentionné : les femmes notaient que devenir une femme à part entière, une femme accomplie, ne passait pas forcément par la case maternité ! La maternité n’est donc pas une fin en soi ni un passage obligé ! Un changement sociétal profond, suffisamment nouveau pour être souligné. 

Mais alors, quel est le bon choix ?

Je n’ai pas la réponse ultime, car elle n’existe pas, cette réponse ultime ! Vous aurez donc ma vision plutôt personnelle des choses.

Les discussions avec notre jeunesse m’amènent à cette réflexion : les enfants ont cette capacité à lâcher prise avec plus de facilité et avec force ils trouvent des solutions. Les choses évoluent et ne sont pas ce qu’elles auraient dû être, et cette jeunesse, elle, s’adapte.

Ils ont une foi dans l’avenir, peut-être naïve, mais les enfants y croient, alors que nous, nous avons parfois tendance à nous appesantir sur ce qui été, sans nous projeter dans l’avenir.

Par exemple, nos enfants ont déjà adapté leurs gestes à l’écologie, car ils ont été sensibilisés à la question dès leur plus jeune âge, à l’école notamment…

Ne sont-ils pas notre avenir ? Ne sont-ils pas capables, si on les accompagne avec discernement et amour, de comprendre le monde et ses enjeux ? Par cette jeunesse, ne sont-ils pas plus à même de s’adapter ? Contrairement à nous qui devons faire le deuil d’un monde et de ses habitudes, celui que nous avons toujours connu ?

Je crois que nos enfants, comme nous l’avons fait avant eux, ont cette facilité à voir le monde avec des yeux neufs ! Leur capacité de changement et d’adaptation, c’est leur force.

Notre job de parents est en revanche encore plus impliquant, car il nécessite une écoute, une pédagogie et une présence pour qu’ils aient les clés de compréhension et donc d’adaptation !

Il faut aussi bien faire la distinction entre les hommes et les femmes qui ont le désir de faire un enfant, et ceux ou celles qui ne le souhaitent pas. Les changements qu’offre notre société doivent être pris en compte sans jugement ni pression. Il faut accepter la société avec ses évolutions en apportant, pour ceux qui le souhaitent, un soutien total aux couples, et un accompagnement, si nécessaire, médical accessible et de qualité. Quant aux autres, il nous faut accueillir leur non-désir d’enfant, non pas comme un caprice ou une bizarrerie, mais comme une évolution naturelle.

Photo – © Edi Libedinsky