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A quel moment consulter un psychologue ?

De nombreuses idées reçues planent encore sur le fait de faire appel à un psychologue. Est-ce un aveu de faiblesse que d’avoir besoin d’un accompagnement psychologique ? Est-ce qu’il y a un moment plus propice qu’un autre pour consulter ? Mais pourquoi, au juste, faire appel à un psychologue ? Ces questions, vous vous les êtes probablement posées à un moment ou un autre de votre prise en charge.

Avant d’identifier le moment le plus opportun pour consulter, il semble essentiel d’apporter quelques éléments sur ce qu’est un psychologue, car, pour beaucoup, cela peut paraître confus. Il y a souvent une confusion entre un psychologue et un psychiatre. Contrairement au psychiatre, le psychologue n’est pas médecin même si la profession est encadrée par la loi et nécessite l’obtention d’un diplôme d’études supérieures en psychologie. Le psychologue accompagne par la parole. Il y a l’idée de partage, d’échange et d’écoute en toute neutralité et bienveillance. Le psychiatre apaise les symptômes comme les insomnies ou les crises d’angoisse par exemple. Il est en mesure de poser des diagnostics, de prescrire et d’administrer des traitements pour lutter contre des symptômes envahissants.

Un psychologue pour qui, pour quoi ?

Pendant longtemps, et même encore actuellement, la représentation de la psychologie a été associée à la folie. Les médias et le cinéma ont renforcé ce stéréotype et cela induit bien souvent des réticences pour prendre un rendez-vous. 

« Je n’ai pas besoin de voir un psychologue, je ne suis pas fou ! » entend-on régulièrement. 

Or, la mission fondamentale du psychologue est toute autre. Dans le cadre d’une consultation, il est d’abord question d’une rencontre dans une neutralité bienveillante, entre un individu en souffrance et un clinicien. Le psychologue propose un espace, un lieu d’expression libre qui laisse place à l’ambivalence et où on peut dire l’indicible. 

Tout au long d’un parcours d’AMP, souvent qualifié de « parcours du combattant », le psychisme est malmené. Ce long périple éprouve le corps, la sexualité, l’intimité, le couple, le travail, les relations aux autres. Celles et ceux qui vivent cette expérience se confrontent à des tempêtes émotionnelles où s’entrechoquent colère, tristesse, injustice, anxiété ou encore espoir et chaque étape du parcours peut fragiliser. 

Léa Karpel, psychologue clinicienne spécialisée en AMP à l’hôpital Foch, aime décrire sa mission comme un « pompier anti-panique » pour les patients et en partenariat avec les équipes de professionnels de l’AMP. « Notre rôle est aussi de rappeler des évidences sur l’accompagnement, le non-jugement. Il ne faut pas forcément mettre sous antidépresseur un patient parce qu’il reste enfermé trois jours à pleurer après un échec. C’est normal. » 

QUAND TABOU ET SOLITUDE PÈSENT SUR LE MORAL

Alors que des millions de personnes sont concernées, l’AMP reste tout de même un sujet tabou et l’expérience est souvent vécue dans une grande solitude. Par méconnaissance, mais avec toute leur bonne volonté, les proches essaient de soutenir et d’encourager, malheureusement leurs propos peuvent parfois être perçus comme maladroits, voire blessants.

Chacun vit cette expérience de manière singulière, y compris lorsqu’il s’agit d’un couple. Entre incompréhensions, sexualité bouleversée, anxiété, le couple se désynchronise et ne parvient plus à faire face ou à se projeter : priorité au parcours médical ! En tant que tiers neutre, le psychologue peut aider à rétablir le dialogue.

En revanche, il ne faut pas s’ obliger à venir en couple. On ne vient en couple que s’il s’agit d’une problématique de couple. La souffrance est individuelle et la présence du partenaire peut empêcher l’expression des sentiments, par souci de protéger l’autre. Léa Karpel remarque que beaucoup d’hommes s’obligent à être dans cette posture. « Les personnes doivent venir quand bon leur semble, à la fréquence qui leur semble meilleure. »

COMMENT SAVOIR SI J’AI BESOIN D’AIDE ?

Il n’ existe en réalité pas de réponse toute faite. Chaque personne en parcours d’AMP peut ressentir le besoin de parler de ce qu’elle vit et de ce qu’elle ressent dans des temporalités différentes. Pour savoir si et quand vous avez besoin de consulter, réfléchir aux questions suivantes peut vous aider. Est-ce que mon mal-être est tellement intense qu’il m’envahit au quotidien ? Si je suis en couple, est-ce que mon couple est fragilisé au point que je me sens perdu.e ? Ou à l’inverse, étant donné que je ne ressens rien, je remets tout en question ? Est-ce que je me sens isolé.e au fil du temps ? Ai-je des blocages que je ne parviens pas à dépasser ou même à identifier ? D’autres raisons peuvent inciter à consulter. Entreprendre de consulter un psychologue peut aider à traverser ce parcours et parfois à apaiser une souffrance plus ancienne et plus profonde. Léa Karpel explique que « les affects dépressifs sont fréquents en AMP, mais ça ne signifie pas que les patients vivent une dépression. Ce n’est pas pathologique, c’est inhérent à ce projet. »

Elle insiste en revanche sur l’importance de consulter dans le cadre d’une fin de prise en charge, ou dans le cadre d’un don de gamète. « Au-delà des entretiens proposés par les centres de dons, il faut une longue réflexion individuelle, voire de couple, sur le don de gamète. »

Parfois, certains troubles anxieux et/ou dépressifs peuvent apparaître et l’identification de ces symptômes permet au psychologue d’orienter le patient vers un médecin-psychiatre. Celui-ci sera à même de prescrire, si cela s’avère nécessaire, un traitement médicamenteux compatible avec les protocoles d’AMP.

À QUEL MOMENT DU PARCOURS, DEVRAIS-JE CONSULTER ?

Le psychologue est là pour vous accompagner, et ce, quelles que soient les étapes du parcours ou la cause : au moment d’un diagnostic, des protocoles médicaux, des échecs à répétition, d’un renoncement quand une grossesse s’avère impossible et même lorsque l’issue est dite « positive » avec l’arrivée d’un enfant.

Le psychologue ne fait pas d’évaluation, mais un accompagnement. Il n’a pas de vertus à dire au médecin si le patient peut ou non accéder à l’AMP, y compris lors d’un entretien avant de commencer une FIV. Le psychologue est là pour écouter et accueillir la parole de la douleur sur l’incapacité de devenir parent. Par ailleurs, les entretiens répondent au critère du secret professionnel et à la confidentialité. Ce que disent les patients n’est pas rapporté, sauf si le patient le demande spécifiquement en médiation avec les professionnels. « Comment avouer en parcours d’AMP qu’on n’est plus sûr de vouloir cet enfant ? Il peut y avoir des moments d’épuisement, de découragement. Ça doit pouvoir se dire ! » insiste Léa Karpel.

Malgré le désir profond de parentalité, le taux d’abandon est important, un couple sur deux renonce après l’échec d’une première tentative et cela souvent à cause de l’épuisement émotionnel. La consultation auprès d’un psychologue, en libéral ou dans le cadre du service de soin, permet de prévenir un arrêt brutal non réfléchi et d’être accompagné dans tout ce que cela vient bouleverser.

Le psychologue dans un service d’AMP est accessible, il connait les protocoles, les équipes de soins. Mais un psychologue de ville peut aussi faire le suivi, il n’y a pas d’obligation à connaitre le parcours. « Parfois d’ailleurs, le fait de consulter dans le même lieu crée de la confusion chez les patients qui n’osent pas révéler des choses lourdes. Donc on passe à côté de récits de vie qu’on aurait pu accompagner. Dans ce cas, un psychologue de ville peut être utile », explique Léa Karpel. Quoi qu’il en soit, avant, pendant, après, seul.e ou à deux, il ne faut pas hésiter à demander un accompagnement psychologique que ce soit pour travailler sur des symptômes et/ou leurs causes.

Ce que prévoit la loi…

L’équipe médicale des centres d’AMP est normalement composée d’au moins un psychiatre, un psychologue ou un infirmier disposant d’une formation ou d’une expérience en psychiatrie. C’est ce que formalise la loi de bioéthique du 2 août 2021 pour uniformiser les parcours d’aide médicale à la procréation. Les médecins de l’équipe doivent vérifier la motivation de chacun, mais en aucun cas évaluer le désir d’enfant. Aucune différence de traitement notamment au regard du statut matrimonial ou de l’orientation sexuelle des demandeurs ne doit être faite.