07 Mar Jalouse, moi ? Et alors !
Mais pourquoi donc toutes les femmes enceintes sont-elles obligées de s’exhiber là, juste sous votre nez, à chaque coin de rue ? À croire que quelqu’un leur a donné votre itinéraire, histoire de vous rappeler ce que vous voulez, mais que vous n’avez pas… alors que vous vous remettez à peine de l’annonce de Manon, votre meilleure amie. Oui, avec Romain, ils doivent être sur un petit nuage, à caresser son ventre (qui d’ailleurs est bien plus plat que le vôtre gonflé par les traitements !). Jalouse, vous ? À peine !
Léa Karpel, psychologue clinicienne spécialisée en AMP à l’hôpital Foch, décortique avec nous cette jalousie pour mieux la comprendre et l’apprivoiser.
Jalouse ou envieuse, ce n’est pas la même chose !
Qui n’a pas envie de bonheur ? On passe tous notre vie à envier. Ce n’est pas forcément une émotion négative, même si le ressenti est douloureux. La jalousie et l’envie peuvent être un moteur. Elles peuvent susciter un élan pour continuer. Léa Karpel aime voir « l’envie » en deux mots « en » « vie ». L’envie et la jalousie sont inhérentes à la vie.
Pour bien comprendre, il faut d’abord commencer par séparer la jalousie de l’envie. Les deux émotions se ressemblent, mais sont différentes. La jalousie, c’est relationnel. Léa Kapel explique « Quand on est jaloux, c’est qu’une personne vit avec quelqu’un d’autre le bonheur que je voudrais connaitre. Il y a trois personnes impliquées. C’est plus complexe. »
L’envie, elle, est objectale. Elle implique une personne et un objet. C’est immédiat. On envie ce qu’on désire soi-même. Si vous êtes jalouse de votre sœur enceinte, vous enviez sa grossesse que vous n’avez pas et vous êtes jalouse parce que vos parents s’intéressent à elle ; ils vont aimer son enfant avant le vôtre ; parce qu’avec son conjoint ils traversent le bonheur que vous voulez vivre.
Souvent, d’ailleurs, vous êtes plus jaloux de ceux qui ont des enfants au moment où vous cherchez à être enceinte, que de ceux qui en ont déjà. « Pour peu qu’ils aient le même âge et le même mode de vie que vous, c’est pire ! Vous vous identifiez, vous devriez être à leur place !» remarque Léa Karpel.
On ne choisit pas d’être jaloux
On ne choisit pas d’être jaloux, c’est une émotion qui vient spontanément et qui fait partie d’un moment de vie. Elle n’est pas désignée contre une personne.
Pour Léa Karpel, « il n’y a pas de tempéraments jaloux, mais ce sont des situations de vie qui les causent. » Il y a des moments où vous allez tolérer et d’autres non. Vous êtes simplement humains ! Il est très rare que la jalousie devienne pathologique.
Déculpabilisez aussi, vous ne pouvez pas être empathique envers quelqu’un à qui tout réussit ! On a de l’empathie pour soi-même. Quand on souffre, on souffre pour soi.
bien Accueillir cette jalousie qui dévore !
C’est important de se rappeler que l’envie peut passer. Elle est d’ailleurs souvent très pointue au début du parcours d’AMP, après les choses s’apaisent ou reviennent par vagues. Léa Karpel a d’ailleurs remarqué que souvent, ce n’est pas forcément l’objet bébé qui est envié, mais plutôt la grossesse. Ensuite, une femme enceinte qui touche son ventre devant vous n’est pas une provocation qui vous est adressée. Elle ne l’a pas fait exprès.
Le conseil probablement le plus important pour vivre avec sa jalousie, c’est d’en parler. Parlez-en dans le couple d’abord, car le partage n’est possible que s’il y a une liberté de parole dans le couple. Puis ensuite, parlez-en aux proches. Selon Léa Karpel, « le risque à ne pas en parler, c’est de se couper socialement par peur de ne pas supporter. On refuse d’aller voir les amis avec de jeunes enfants. On refuse d’aller au repas de famille où la belle-sœur est enceinte. Oui, il y a des moments de génération ; les discussions risquent de tourner autour de ça, mais attention, car ce mécanisme peut entrainer un repli plus douloureux que le fait même de « subir » les situations. »
Vous pouvez dire « tu ne vas peut-être pas comprendre, mais c’est douloureux ». Des solutions peuvent être mises en place avec les proches. La peine que vous vivez en parcours est invisible, contrairement à une incapacité physique où tout le monde y prête attention. Beaucoup ne comprennent pas de quoi il s’agit. Personne n’imagine l’ampleur de votre jalousie et de votre envie. Ils pensent que ce n’est pas si grave et ne se rendent pas compte que l’AMP concerne toutes les sphères de la vie. Ce n’est pas évident de trouver sa place, mais essayez de verbaliser pour que l’autre comprenne.
Ceci étant dit, il y a aussi un moment entre isolement et douleur. Il ne faut pas non plus s’exposer. Ce n’est pas la peine d’aller vivre intensément un moment de jalousie. Il faut se préserver. Écoutez-vous pour savoir ce que vous pouvez accepter, en fonction des moments de vie.
un psychologue peut vous aider
Quand la jalousie fait beaucoup souffrir, allez chercher de l’aide.
Il y a des jalousies qui ne peuvent pas se dire, socialement, dans le couple. L’AMP remet aussi parfois sur le devant d’anciennes jalousies, comme celles entre frères et sœurs. Elle fait remonter des reproches. Le psychologue offre un lieu où vous pouvez déposer ça. •