« Faire un enfant toute seule… » le témoignage d’Eugénie
À 36 ans, Eugénie découvre en regardant les informations qu’elle peut réaliser ce désir qui l’anime depuis tellement d’années : être maman. Elle qui ne s’épanouissait pas en couple n’aurait finalement pas besoin de renoncer à sa maternité et pourrait même faire un enfant toute seule. Désormais, c’est autorisé !
Elle raconte comment elle s’est lancée dans cette aventure, étape par étape, en gardant la détermination et l’optimisme qui la caractérisent. Une aventure faite de joies, de doutes, jusqu’à l’arrivée dans sa vie de son plus beau cadeau, la petite Maëlle !
C’est possible !
Je sais depuis l’âge de 25 ans que je veux être maman. Et alors que mon horloge biologique tournait, je n’arrivais pas à me projeter ou à imaginer fonder une famille avec les hommes que je rencontrais. D’ailleurs, je ne suis jamais vraiment tombée amoureuse. J’adorais mon travail. Je voyais mes proches, mes amis. J’ai toujours été indépendante. Mais au fond de moi, j’espérais que quelque chose se libère comme par magie, parce que je n’étais pas prête à renoncer à la maternité. J’avais peur de ne jamais pouvoir devenir maman.
Un mercredi d’octobre 2021, alors que je rentrais chez moi à 12h30, j’ai allumé la télévision. Et là, au journal télévisé, j’ai entendu que la loi de bioéthique légalisait l’accès à la PMA pour les femmes seules. C’était donc possible ! Je n’ai pas réfléchi une seconde. J’ai pris mon téléphone et j’ai appelé le premier centre de PMA que j’ai trouvé. « Bonjour. Je viens d’entendre qu’une loi est passée pour la PMA pour les femmes seules, j’aimerais prendre un rendez-vous ». La personne au téléphone m’a expliqué qu’ils n’étaient pas encore au point, malgré les annonces, mais j’ai obtenu un rendez-vous pour janvier. Je tenais là ma chance de devenir maman.
Je ne me suis pas projetée, j’ai fait les choses au fur et à mesure.
Le gynécologue qui m’a reçu était très bienveillant. Il comprenait mon désir de maternité et mesurait ma détermination. Il m’a prescrit tout un tas d’examens pour faire un bilan de fertilité. L’étape numéro 1. Par contre, il m’a mise en garde. En France, il y aurait entre 4 à 5 ans d’attente pour accéder au don de spermatozoïdes. C’est pourquoi il m’a conseillé de partir à l’étranger pour poursuivre ce projet plus rapidement.
Alors, pour une fois, j’ai décidé de ne pas me projeter. J’ai fait les choses au fur et à mesure.
Dès que j’ai eu mes règles, j’ai enchaîné les rendez-vous pour réaliser les examens de fertilité, en choisissant les médecins disponibles le plus tôt. J’avais également anticipé le rendez-vous chez le notaire.
« Mais, vous ne sentez pas l’énorme masse dans votre ventre ? »
Et me voici, dans le cabinet d’un gynécologue pour une première échographie. On m’avait demandé de me présenter la vessie pleine. Disciplinée, j’avais bu deux litres d’eau. Sauf que, je n’avais pas imaginé que le médecin aurait autant de retard. Pas facile de se retenir d’aller aux toilettes ! À peine installée dans le fauteuil gynécologique pour l’échographie, sans excuse pour son retard, il m’a froidement jeté « mais, vous ne sentez pas l’énorme masse dans votre ventre ? » Il m’a dit ne voir qu’un seul ovaire et il avait ajouté « les gens vivent très bien avec un seul rein, un seul ovaire, c’est pareil ! ». Bonjour l’empathie ! Il m’a presque grondé comme une enfant parce que je n’avais jamais senti cette masse. Comment peut-on être aussi froid ? Jamais il n’a prononcé le mot de « cancer », mais dans ma tête, j’imaginais le pire. Il m’a prescrit une IRM et j’ai quitté son cabinet, effondrée. À ce moment-là, j’étais prête à abandonner. Je me suis dit que je ne pourrais pas aller au bout de ce projet bébé.
J’ai passé cette IRM et il s’est avéré que c’était des fibromes. J’étais soulagée même si j’étais toujours choquée de l’attitude du médecin. A priori, les fibromes sont fréquents et n’empêchent pas la PMA ! Je pouvais donc continuer.
Feu vert pour la première insémination
Après cette période d’examens, je m’étais préparée à lancer des démarches en Belgique au vu des délais annoncés en France. D’ailleurs, j’avais parlé de mon projet de bébé en solo à tous mes proches, ma meilleure amie, mes amis, mes collègues. J’ai toujours assumé ce choix ouvertement et fièrement, ce qui a probablement découragé les personnes à discuter cette décision.
Début janvier 2022, après lecture de mes résultats, le gynécologue m’a donné son feu vert pour débuter la PMA. Il m’a, cette fois-ci, conseillé de tenter ma chance en France, et elle m’a souri ! Lorsque j’ai appelé le CECOS, ils venaient d’avoir un désistement ! J’ai donc eu un rendez-vous 15 jours plus tard avec le médecin biologiste.
J’ai reçu mes premières ordonnances fin août pour commencer les simulations en vue d’une insémination de donneur.
Je n’imaginais pas que ce serait si dur psychologiquement. J’étais très excitée de pouvoir enfin commencer. Je me souviens que j’avais peur de me piquer seule. J’avais fait venir une infirmière pour la première injection. J’ai fini par faire ma troisième injection, seule, en excursion dans un Zoo en Vendée !
Malheureusement dès le début, je ne répondais pas bien au traitement, mes follicules ne grossissaient pas assez rapidement. Et d’un coup, sans crier gare, ils ont atteint la taille nécessaire pour l’insémination ! Il fallait donc être réactif !
Je me souviens que, pour ce premier transfert, je n’ai pas réussi à attendre la prise de sang pour les résultats. J’étais trop impatiente ! J’ai donc fait un test urinaire qui a révélé une légère seconde barre ! Je n’en revenais pas. Mais la réjouissance fut de courte durée, j’avais fait ce test trop tôt ! L’Ovitrelle®, qui permet de déclencher l’ovulation, avait induit un faux positif. Il fallait donc tout recommencer.
Je suis rapidement passée à la tentative suivante, et à celle d’après, puis encore, jusqu’à enchainer 5 tentatives d’insémination. Au début, j’en parlais à mes proches, mais avec le temps ça devenait trop difficile de parler de tous ces échecs. Je n’imaginais pas que ce serait si dur psychologiquement. Je commençais à être impatiente. Comment font les personnes qui font ça pendant 10 ans ?
Je suis donc passée à la FIV
Je suis donc passée à la FIV début février 2023. J’avançais en âge, et avec mes fibromes c’était plus indiqué. J’étais moins sereine, mais je gardais espoir.
Le traitement était plus lourd et mes fibromes empêchaient le médecin de bien suivre l’évolution des follicules. Jusqu’au dernier moment, je ne savais pas si la ponction serait programmée. C’était très stressant.
La ponction s’est finalement déroulée sous anesthésie générale pour éviter les complications en lien avec mes fibromes. J’ai obtenu 6 ovocytes. J’étais soulagée, même si les médecins m’avaient expliqué que tous ne donneraient pas d’embryon et que c’était finalement peu. Mais de mon côté, j’étais optimiste ! Et, j’ai eu raison. De ces 6 ovocytes, 3 embryons ont été obtenus et j’ai pu avoir un transfert frais.
J’avais eu beaucoup de douleurs au moment de la ponction, mais sous l’effet de l’adrénaline, je me sentais bien.
Et quelques jours plus tard… Après le transfert, j’ai à nouveau eu de grosses douleurs. Pour moi, c’était évident, ces douleurs étaient le signe d’un nouvel échec.
Je me suis rendue chez mon pharmacien pour prendre un traitement antidouleur plus fort. C’est lui qui m’a convaincu de faire un test de grossesse avant de prendre ce traitement, qui n’était pas compatible avec une grossesse. Et, contre toute attente, le test était positif ! La prise de sang le confirmera à nouveau quelques jours plus tard. J’étais enceinte !
Ma maman, ma sœur, mes proches, tous étaient très heureux. Pourtant, je me souviens que j’étais très prudente et que je n’arrivais pas à me réjouir au début.
Quelques jours plus tard, alors que je rentrais de vacances avec beaucoup de route, je me rends compte que je saignais abondamment. Lorsque je suis arrivée aux Urgences, le médecin m’a expliqué que même si on voyait une activité cardiaque, la grossesse n’allait surement pas tenir. Il m’a prescrit un arrêt d’une semaine et m’a suggéré d’attendre. « Ne vous mettez pas dans cet état-là », m’a-t-il dit ! Oui, facile à dire !
Alors j’ai attendu. J’ai attendu jusqu’au rendez-vous d’échographie de datation dans mon centre de PMA. Il était toujours là. La gynécologue a conclu que c’était probablement la route ! Autant dire que je n’ai pas refait de long trajet durant ma grossesse ! Les mois ont défilé, et j’ai finalement réussi à me sentir sereine quand j’ai commencé à sentir mon bébé bouger.
J’ai été admise pour des douleurs à l’hôpital au 8e mois de grossesse, certainement les fibromes qui se rappelaient à moi. Rien n’était vraiment prêt. Mes valises de maternité étaient restées à la maison. Après plusieurs jours durant lesquels les médecins ne parvenaient pas à me soulager, l’heure est venue de « forcer » la rencontre avec bébé. Le 13 novembre, Maëlle est née. Mon plus grand bonheur.
Je suis tellement heureuse et fière d’y être arrivée ! Je ne regrette pas une seule seconde de m’être lancée en solo dans cette aventure. J’ai rencontré une équipe soignante soignante formidable qui a su m’accompagner avec beaucoup de bienveillance. J’ai hâte de raconter à ma fille notre histoire, celle d’une maman qui ne s’est jamais découragée pour l’accueillir dans sa vie, une maman qui a écouté cette petite voix qui lui disait de foncer, d’assumer, la tête haute, pour aller décrocher son bonheur. J’ai bien évidement une grande pensée pour toutes celles qui sont actuellement en parcours AMP et à qui je souhaite beaucoup de courage.
Crédit Photo : Eugénie