Paillettes Magazine Greffe d'utérus | Rokitansky | GPA

Avancer avec le syndrome de Rokitansky

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Laura raconte pour Paillettes les mouvements de son désir de maternité, dans un corps qui est né sans utérus (Syndrome de Rokitansky) . Alors qu’elle s’apprête à faire un bilan de fertilité pour se lancer dans une grande aventure procréative, elle partage ses interrogations, entre greffe d’utérus et GPA illégale en France.

Tu as bien compris ce que ça veut dire ? 

J’avais 17 ans, et je n’avais jamais eu mes règles. J’avais vu les règles débarquer chez toutes mes copines, et moi, rien. Au début ça ne m’inquiétait pas, mais petit à petit je commençais à me poser des questions… Jusqu’à ce rendez-vous chez mon médecin traitant où j’allais apprendre que j’avais un syndrome de Rokitansky, une maladie congénitale rare. Je suis née sans utérus.

« Tu as bien compris ce que ça veut dire ? » m’a demandé le médecin traitant. Ça voulait dire que je ne pourrais pas avoir d’enfant.

J’avais un rein pelvien décelé à ma naissance, un rein qui n’est pas descendu à sa bonne place. J’avais des soucis pratiques dans mes relations intimes avec les garçons. Mais, même si je sentais qu’il se passait quelque chose, cette annonce était un réel choc.

Je me rappelle que je me suis effondrée, pourtant, vouloir un enfant, était très loin de mes préoccupations d’adolescente. J’ai vu ma maman rongée par la culpabilité.

On s’est dit, avec ma mère, que la science progresserait

Alors, on a cherché des informations. À l’époque, il n’y avait rien sur le sujet. Il n’y en a pas beaucoup plus aujourd’hui d’ailleurs. C’est toujours un sujet tabou et c’est pour cela que je tiens à raconter mon histoire. Mon gynécologue actuel n’avait même jamais entendu parler de ce syndrome avant moi. Pour être honnête, je ne suis pas sure, encore maintenant, de tout comprendre de ce syndrome.

 

Alors, du haut de mes 17 ans, j’ai refoulé toutes ces histoires de maternité impossible. On s’est dit, avec ma mère, que la science progresserait. Dans 10 ans, on ferait des greffes d’utérus en routine. Ça évoluera, c’est sûr ! Et, dans le plus grand déni vous me direz, je n’ai jamais éteint ce sentiment qu’un jour, je serai maman.

 

À 17 ans, je me suis plutôt consacrée à la préoccupation principale du moment : pouvoir avoir des rapports sexuels comme toutes les jeunes filles de mon âge. Mon syndrome m’empêchait physiquement d’avoir des rapports pénétrants. J’ai donc subi une intervention. Le traitement de l’aplasie a pour but de créer une cavité vaginale. On crée littéralement un vagin à partir de la cupule vaginale par des dilatations. Je pouvais enfin reprendre une vie « normale » de femme.

Un « mini moi » peut exister

Les années sont passées, j’ai aujourd’hui 30 ans. J’ai voyagé, je me suis dévouée à ma carrière en laissant de côté mon désir de maternité. J’ai d’ailleurs beaucoup d’amies qui ne veulent pas d’enfant, pour tout un tas de raisons, plus ou moins féministes.

Mais récemment, en regardant l’actualité et les prises de position des uns et des autres au sujet de la GPA, j’ai recommencé à m’intéresser au sujet de la maternité. Je suis toujours ébahie de voir des personnes non concernées s’emporter contre des sujets ! La GPA, je ne savais pas si j’étais pour ou contre. Mais il faut dire que mon syndrome laisse peu d’options si l’on souhaite avoir un enfant. La greffe d’utérus d’un côté. L’adoption de l’autre. Et au milieu, la GPA.

Ce qui est fou avec le Syndrome de Rokitansky, c’est que j’ai des ovaires fonctionnels et des ovocytes de supposée bonne qualité. En fait, il y a peut-être un « mini moi » (génétiquement) qui peut exister. C’est perturbant. Je dis souvent que c’est comme si j’avais tous les ingrédients, mais je n’ai pas le four pour faire le gâteau !

Bien sûr, j’ai conscience qu’un parcours de maternité, quand on est porteuse d’un syndrome de Rokitansky, c’est compliqué. Mais c’est sûrement, exactement pour cette histoire d’ingrédients sans four, que je n’ai jamais réussi à renoncer à avoir un enfant avec mes gènes. Je crois que j’ai toujours une partie au fond de moi qui se demande « à quoi pourrait ressembler physiquement, un enfant de moi. Et son caractère, ce serait quoi ? ».

Il sait qu’on a des options

Je suis en couple depuis 4 ans et j’ai toujours parlé de mon syndrome à mes amoureux. Je ne voulais pas en faire un sujet tabou, une honte. Ma maman m’avait pourtant dit de faire attention, de ne pas trop en parler, de me protéger. Mais ça fait partie de moi. Et bizarrement, ça n’a jamais été un problème dans mes relations. Ni pour mon conjoint actuel. Est-ce une question de sexe ? Les hommes sont-ils plus facilement capables de renoncer à la paternité ?

Mon conjoint est prêt pour cette aventure. Comme moi, il sait qu’on a des options, même si, par amour, il serait capable de renoncer à être père.

Étape 1 : Le bilan de fertilité

Je sais que je vieillis, et mes ovocytes aussi. En juillet prochain, j’ai rendez-vous pour un bilan de fertilité. J’aimerais commencer par faire congeler mes ovocytes. C’est ma gynécologue qui m’en a parlé en premier.

En France, la GPA est interdite, même quand on naît sans utérus en produisant ses ovocytes. La préservation de mes ovocytes, je la fais donc plutôt en vue d’une greffe d’utérus.

Tout cela me parait encore un peu flou. Je ne sais même pas si je serai éligible à une greffe d’utérus. Est-ce que mon rein pelvien est un critère d’exclusion ? Je ne préfère pas me perdre dans des recherches sur internet, j’en saurais plus lors de mon rendez-vous de juillet.

Je sais aussi que la greffe d’utérus est une intervention très lourde, qui comporte beaucoup de risques. Seulement 3 femmes en France ont eu une greffe d’utérus. Alors la GPA, à l’étranger, reste dans un coin de ma tête.

Je vais devoir me battre pour fonder ma famille

Je le sais, mais  j’ai envie d’essayer. Pour moi, et aussi parce que j’ai envie que mon conjoint ait la chance d’être papa un jour.

La route est encore longue, mais je n’ai rien à perdre. Je le sens, je le sais, un jour, je serai maman !